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point, ny de faire la faſcheuſe à ſon mary, quand il la conuie à telles choſes ; mais auſſi de ne l’en conuier point. Ceci ſent ſa femme lubrique & deshontee ; & cela monſtre grande outrecuidance, & point d’amitié.

XIX. Quels amis la femme doit auoir. Il ne faut pas que la femme aye d’amis, mais ceux 5 qui ſont amis de ſon mary qu’elle les tienne pour les ſiens. Or ſont les Dieux noz premiers & principaux amis ; & pour cela, il luy faut adorer les Dieux en qui ſon mary croit, & n’en recognoiſtre point d’autres, & fermer la porte à toutes autres religions recerchees, 10 & ſuperſtitions eſtrangeres : car il n’y a point de Dieu qui prenne plaiſir à ſacrifice qui luy ſoit fait par vne femme à part & à la deſrobee.

XX. Quelle ville heureuſe. Platon dit que cette ville eſt heureuſe & fortunee, en laquelle le moins qu’on peult on oit dire : ceci eſt 15 mien, cela n’eſt pas mien ; pour ce qu’en celle là les citoyens vſeroient en commun, tant qu’il ſeroit poſſible, des choſes dignes du ſoing de l’homme & de ſon eſprit. Mais encore faut il bien plus oſter du mariage Mien & Tien. ces mots de Mien & Tien : ſinon que, comme les 20 medecins diſent que les playes qui ſont aux parties gauches renuoyent la douleur à celles de main droicte, ainſi faut il que la femme fe fente des paffions du mary, &, pour le moins, que le mary ſe ſente autant de celles Comparaiſon de la compaignie de l’homme & de la femme à un neud. de ſa femme, à fin qu’eſtans de ceſte ſorte comme les 25 neuds par l’entrelaſſement prenant la force l’vn de l’autre, ainſi la compaignie & ſocieté du mary & de la femme ſoit entretenue, quand l’vn rend à l’autre en change vn amour reciproque. Car la nature meſle l’homme & la femme par l’vnion des corps, pour prendre 30 de tous deux quelque part, & puis apres, l’ayant