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56 l ESTIENNE DE LA BOÈTIE Quelle peine, quel martire eft ce, vrai Dieu? eftre nuit & iour apres pour fonger de plaire à vn, & neantmoins fe craindre de lui plus que d’homme du monde; auoir toufiours l’œil au guet, l’oreille aus efcoutes, pour efpier d’0ù viendra le coup, pour 5 defcouurir les embufches, pour fentir la mine de fes. compaignons, pour auifer qui le trahit, rire à chacun & neantmoins fe craindre de tous, n’auoir aucun ni ennemi ouuert ny ami affeuré; aiant toufiours le vifage riant & le cœur tranfi, ne pouuoir eltre ioieus, l0 & n’ofer eftre trifte! · Mais c’elt plailir de confiderer qu’elt ce qui leur reuient de ce grand tourment, & le bien qu’ils peu- uent attendre de leur peine & de leur miferable vie. ' Volontiers le peuple, du mal qu’il foutïre, n’en accufe 15· point le tiran, mais ceus qui le gouuernent: ceus là, les peuples, les nations, tout le monde à l’enui, iuf- ques aux païfans, iufques aus laboureurs, ils fçauent leurs noms, ils dechifrent leurs vices, ils amafïent fur eus mille outrages, mille vilenies, mille maudiffons; 20 toutes leurs oraifons, tous leurs veus font contre ceus là; tous leurs malheurs, toutes les peftes, toutes leurs famines, ils les leur reprochent; & li quelque fois ils leur font pariapparence quelque honneur, lors mefmes ils les maugreent en leur cœur, & les ont en horreur 25 VARIANTES 2. « pour plaire ». gi. « apres la mort ». 7. « rire à chacun, fe craindre gg. « leuons les yeux vers le ciel, de tous ». ou bien pournoltrehonneur, ou pour 14. « & de cette miferable vie n. l’am0ur de la mcfme vertu, à Dieu 15. «¤’en accufe pas ». tout puiffant, afïeuré tefmoin dc 22. « tous les malheurs ». nos faits ». ng. « ce femble, fatisfaits». 46. « qu`il referue bien à bas ».