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48 ESTIENNE DE LA BOÉTIE Voilà fes archers, voilà fes gardes, voilà feshalebar- ` diers; non pas qu’eus mefmesi ne foulïrent quelque fois de lui, mais ces perdus & abandonnes de Dieu & des hommes font contens d’endurer du 'mal pour en faire, non pas à celui qui leur en faict, mais à ceus 5 qui endureint comme eus, & qui n’en peuuent mais. Toutesfois, voians ces gens là, qui nacquetent le tiran pour faire leurs befongnes de fa tirannie & de la feruitude du peuple, il me prend fouuent esbahiffe- ment de leur mefchanceté, & quelque fois pitié de FO leur fottife : car, à dire vrai, qu’elt ce autre chofe de ûapprocher du tiran que fe tirer plus arriere de fa liberté, & par maniere de dire ferrer à deus mains & ambraffer la feruitude? Qu’ils mettent vn petit à part leur ambition & qu’ils fe defchargent vn peu de 15 leur auarice, & puis qu’ils fe regardent eus mefmes & qu’ils fe reconnoiffent, & ils verront clairement que les villageois, les païfans, lefquels tant qu’ils peuuernt ils foulent aus pieds, &. en font pis que de ` forfats ou efclaues, ils verront, dis ie,‘que'ceus là, zo ainfi mal menes, font toutesfois, aus pris d’eus, fortu- nes & aucunement libres. Le laboureur &, l’artifan, pour tant qu’ils foient afferuis, en font quittes en faifant ce qu’on leur dit; mais le tiran voit les autres qui font pres de lui, coquinans & mendians fa faueur: 25 il ne faut pas feulement qu’ils facent ce qu’il dit, mais vmrnurns 2. « il n’eft pas qu’eus mefmes ». 12. <¢fin0r1 que de fe tirer plus 3. « ces abandonnes de Dieu». arriere de leur liberté ». 6. « qui en er1durent». ` 15. « leur ambition, qu`ils ». io. « quelque pitié de leurgrande x6. « eus mefmes, qu’ils ». fottife ». ig. « des forfats ».