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L’ART POÉTIQUE.

Un héros sur la scène eut soin de s’en parer,
Et sans pointe un amant n’osa plus soupirer.
On vit tous les bergers, dans leurs plaintes nouvelles,
Fidèles à la pointe encor plus qu’à leurs belles.
Chaque mot eut toujours deux visages divers.
La prose la reçut aussi bien que les vers,
L’avocat au palais en hérissa son style,
Et le docteur en chaire en sema l’Évangile.
La raison outragée enfin ouvrit les yeux,
La chassa pour jamais des discours sérieux,
Et, dans tous ses écrits la déclarant infâme,
Par grâce lui laissa l’entrée en l’épigramme,
Pourvu que sa finesse, éclatant à propos,
Roulât sur la pensée, et non pas sur les mots.
Ainsi de toutes parts les désordres cessèrent.
Toutefois, à la cour les Turlupins restèrent,
Insipides plaisans, bouffons infortunés,
D’un jeu de mots grossier partisans surannés.
Ce n’est pas quelquefois qu’une muse un peu fine
Sur un mot en passant ne joue et ne badine,
Et d’un sens détourné n’abuse avec succès,
Mais fuyez sur ce point un ridicule excès,
Et n’allez pas toujours, d’une pointe frivole,
Aiguiser par la queue une épigramme folle.
Tout poëme est brillant de sa propre beauté.
Le rondeau, né gaulois, a la naïveté.