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L’ART POÉTIQUE.

Telle est de ce poëme et la force et la grâce.
D’un ton un peu plus haut, mais pourtant sans audace,
La plaintive élégie, en longs habits de deuil,
Sait, les cheveux épars, gémir sur un cercueil.
Elle peint des amans la joie et la tristesse,
Flatte, menace, irrite, apaise une maîtresse ;
Mais, pour bien exprimer ces caprices heureux,
C’est peu d’être poëte, il faut être amoureux.
Je hais ces vains auteurs dont la muse forcée
M’entretient de ses feux, toujours froide et glacée,
Qui s’affligent par art, et fous de sens rassis,
S’érigent, pour rimer, en amoureux transis.
Leurs transports les plus doux ne sont que phrases vaines ;
Ils ne savent jamais que se charger de chaînes,
Que bénir leur martyre, adorer leur prison,
Et faire quereller le sens et la raison.
Ce n’était pas jadis sur ce ton ridicule
Qu’Amour dictait les vers que soupirait Tibulle,
Ou que, du tendre Ovide animant les doux sons,
Il donnait de son art les charmantes leçons.
Il faut que le cœur seul parle dans l’élégie.
L’ode, avec plus d’éclat et non moins d’énergie,
Élevant jusqu’au ciel son vol ambitieux,
Entretient dans ses vers commerce avec les dieux.
Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière,
Chante un vainqueur poudreux au bout de la carrière,