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L’ÉTOURDI.


acheté à crédit. Heureux de trouver des gens qui vouluſſent me le faire.

Il me ſouvient qu’un jour étant bien preſſé d’argent, & ne trouvant plus qu’un chétif marchand de planches qui voulût me livrer de la marchandiſe à crédit, je lui en achetai pour deux mille francs, dont on ne m’offrit que vingt-cinq louis, lorſque je voulus m’en defaire. Cette ſomme ne pouvant remplir mon objet, & n’ayant pas d’autre reſſource pour me fournir de numéraire, je m’aviſai d’en tirer un meilleur parti en faiſant conſtruire des voitures pour l’autre monde. Effectivement cet expédient me réuſſit, graces aux gens qui voulurent bien prendre congé de cet hémiſphere.

Ce fut alors que je m’écriai comme le Docteur Pangloſſ, que nous étions ſur le meilleur des mondes poſſibles. Il ſemblait que la nature fût d’accord avec mes beſoins. En vérité j’étais épouvanté du nombre des morts qui arrivaient chaque jour. J’en étais inſtruit par la viſite des foſſoyeurs des différentes paroiſſes auxquels j’avais vendu mes