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L’ÉTOURDI.

Je ſortis auſſitôt du couvent, montai dans la voiture de mon pere, y pris place à côté de lui, & me voilà bientôt au château qu’il habitait toute l’année. Tout y reſpirait l’affliction & la douleur : celle des maîtres s’était communiquée aux domeſtiques. Ils nous apprirent que ma mere avait repris une faibleſſe. Elle était déjà malade lorſque mon pere partit pour venir me chercher au couvent. Son mal empira de jour en jour, elle ne put réſiſter à la mort de ſon fils. J’eus la douleur de lui voir fermer pour toujours la paupiere. Je verſai ſur ſa tombe autant de larmes, & je la regrettai, j’oſe le dire, auſſi ſincérement que ſi elle avait été pour moi la plus tendre des meres. Quant à mon frere, je le connaiſſais peu, je ne l’avais pas vu trois fois dans ma vie. Cet étourdi était Page du Roi, où il s’eſt fait tuer par un de ſes camarades. Il ne vous paraîtra donc pas étonnant que je l’ai peu pleuré. Pouvais-je ſincérement le regretter, il eſt la cauſe de tous mes maux.

Après que nous eumes, mon pere