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voir autre chose qu’une fumeuse, une table de jeu et une rocking-chair… J’ai toujours un serrement de cœur sur le seuil de ma chambre « qui n’a pas de chance ». Au-dessus de la fenêtre, un piton à rideaux, trop haut planté, conserve un bout de cordon qui oscille et accueille mon arrivée.

Mais je ne veux pas me laisser agripper par le découragement. J’ai pris un livre, sans retirer mon manteau ; l’haleine tiède de la lampe est venue sur mon front et m’a empêchée de lire : j’ai pensé à des promenades de famille, d’amis, de fiancés, dans un décor de quartier opulent… nous marchons, souriants… l’avenue se profile claire et monumentale… quand les mots ont été très caressants, nous nous taisons pour sentir leur douceur s’élargir à l’infini et, d’un accord spontané, nous nous retournons pour attendre les parents qui sourient derrière nous… J’ai rêvé à de l’affection, à la bonté des choses…

L’obsédante physionomie de M. Libois s’est imposée à ma méditation.

Est-ce drôle ! Mon ex-fiancé disparaît dans un passé chimérique, ses traits échappent à ma mémoire. Je ne le hais pas.

Quel soulagement j’éprouverais pourtant à détester quelqu’un ! Je le sens bien, voilà ce que cherche mon intime vitalité : un dérivatif de rancune. Et j’aimerais bien mieux les enfants !

J’ai peur que le délégué cantonal ne porte un intérêt sincère à la malheureuse population de l’école. Cela me le gâterait, ce monsieur d’impor-