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— comme après m’être brisée à lessiver ou à frotter — devenue sage, molle, sans idée, approbatrice.

La photographie de l’après-midi, l’aspect des groupes, les visions de ma course errante, toutes les impressions pénibles s’éloignaient et s’effaçaient.

À peine me restait-il un souffle de faculté critique qui achevait de s’épuiser dans un semblant d’ironie et qui allait faire place à la béate acceptation. Je me parlais toute seule, gentiment, arrêtée sur la chaussée :

— Eh bien ! oui, c’est l’école et son drapeau national, et ses affiches officielles, et son inscription imperturbable : Liberté-Égalité-Fraternité. C’est le puissant et austère monument, cubique et massif, qui se carre dans le quartier ; le grand Dépôt de Morale !… On a dit : Faites-nous beaucoup d’enfants, apportez encore et encore des enfants ; ici, c’est la fabrique de Bonheur… Pourquoi pas ? L’école donne tout le possible… et ils seront toujours bien aussi heureux que leurs parents… leurs parents vivent, après tout… ils les imiteront…

Un fiacre me fit monter sur le trottoir. J’avais un immense besoin de repos physique et de paix morale, j’aspirais avidement à sourire à quelqu’un, à être d’accord, à trouver du bien, rien que du bien. Je souriais à l’école.

— Eh, mais ! l’affiche est déjà collée sur la porte : « La rentrée des classes aura lieu le 18 août. » C’est vrai : je suis en vacances !

L’année scolaire était finie, ma tâche était finie, je n’avais plus à me tourmenter. J’éprouvais une