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l’admiration de Louise Cloutet (la Souris). De jour en jour, le visage de cette enfant se purifie et s’élève ; le rayonnement sage, souriant et bon de ses yeux noirs s’étend de plus en plus loin ; elle prend la morale scolaire juste du bon côté et dans la proportion voulue. L’école serait valeureuse quand elle n’aurait sauvé et façonné que cette grande personnalité !

Cet après-midi, à regarder la Souris dans la classe de la normalienne, à la première table, il me semblait que toute l’école fonctionnait pour elle, passait en elle, que toute la morale enseignée devenait vivante par cette enfant qui était chargée d’en porter la projection salubre dans les ténèbres du quartier.

Elle arrive maintenant, le matin, avec ses trois enfants : le poussin et les deux Leblanc. Quand elle fait miroiter devant eux son front marmoréen, semblable à celui de la normalienne, il y a vingt ans de distance entre elle-même et eux.

J’ai lieu de penser que la mère de la Souris intervient aussi dans le soin et la protection des deux enfants sans mère.

Au fait, j’ai rencontré Mme Cloutet un dimanche matin. J’avais vu des prodiges, autrefois, au cirque : par exemple, un homme se suspend par les pieds à un trapèze, la tête en bas, on accroche un cheval à ses bras, dans l’espace, l’homme s’allonge comme un élastique. Mais aucun spectacle d’effort ne saurait être plus stupéfiant que celui offert par la mère Cloutet, poussant, dans la côte de Ménilmontant, une voiture chargée de cinquante kilos de cerises.