Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voilà une propagande qui concerne un philanthrope comme M. le délégué cantonal ! Que devient-il ?… J’en ris sous cape.

Ce soir même, la mère Cadeau, toujours enceinte, m’a raconté la façon dont sa jeunesse et sa faiblesse de gentille péronnelle ont été violentées par de continuelles fécondations et elle a conclu presque contente, résignée, imbécile :

— Je n’ai que des filles, croyez-vous ? c’est-y drôle !… Les femmes sont si malheureuses par la faute d’un tas de sales égoïstes et on fabrique des filles tant qu’on peut, tout de même !

Hélas ! je ne soupçonne aucunement le conseil utile et — d’autre part — une invincible pudeur m’empêche de parler même vaguement du mystère générateur… ma nervosité se révolte et aussi un mal secret existe en moi… non, non, je ne peux pas sortir les mots… J’éprouve déjà bien trop de souffrance à les entendre !

Le soir, je ne fais plus la conversation avec les trois ou quatre bambins retardataires ; je m’assieds en face d’eux, au milieu du préau, sous l’appareil à gaz, et je songe, ayant l’air de compter indéfiniment, là-bas, dans l’ombre, des cordes qui pendent. C’est désolant : je rêvasse, oubliant même les enfants autour de moi, je songe dans le lointain… je songe que je suis bien malheureuse…

Irma Guépin s’est levée sans bruit, elle a redressé des cheveux, près de mon oreille, elle a arrangé une coque de ma cravate, absolument comme elle aurait