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J’exagère ma placidité jusqu’à l’insolence devant Mme Paulin.

L’école est plongée dans la stupeur par cette disparition inexpliquée : un mois entier !

Je me sens très bien, très à l’aise… à part quelques étourdissements, vite dissipés, le matin.

Et Mme Paulin ne bronche pas, quoique j’atteigne à l’inconvenance odieuse par mes attitudes froides, sereines, par mon air « de n’avoir jamais entendu parler de rien… »

Quelles menaces lui a-t-on faites ? — et quelles promesses ensemble ? — pour qu’elle observe une telle résignation !

(Non ! vous m’aimez bien sincèrement, Mme Paulin, et c’est à cause même de la force prise en votre affection, que — telle une enfant ingrate — je suis méchante à plaisir. Oh ! comme vous m’aimez de toute votre âme de peuple ! Et comme, là, vous m’êtes supérieure !… Jamais je ne serai « peuple » autant que vous, au point de vue de l’affection dévouée. Et j’ai beau vous aimer aussi, — je ne peux pas renoncer à l’agréable perception de faire souffrir, à mon tour.)

Il ne vient plus !… J’en ris sous cape en traversant les classes.

Mais il ne s’agit pas de cela.

Des images stationnent dans ma mémoire, — comme les femmes dans l’entrée de l’école, — des images barbares que j’aurais voulu toujours laisser dehors… Je vais « juger » !