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questions de service, et elle me persécute davantage que si elle disait les préoccupations inscrites sur son visage. Ses yeux me suivent et me tourmentent.

Heureusement que j’ai mon précieux dérivatif !

Aujourd’hui le lessivage a fonctionné rudement ; j’en suis tout avachie. Ce soir, le coude sur ma table, je souris à tout ce qui me passe par la tête… Bonjour, Tricot… Celui-là, pour donner un baiser, il ferme les yeux et il tire le gosier, comme s’il avalait un cachet trop gros.

Aux environs du jour de l’an, quand il a gelé si fort, la dame patronnesse en deuil, qui apporte tant de bonbons, assistait à une récréation dans la cour. Tricot se trouva près d’elle, arrêté ; on voyait sa chair des cuisses, on devinait que le tablier ne recouvrait aucun vêtement chaud.

— Mon Dieu, ce pauvre amour, comme il doit avoir froid ! dit la dame avec un mouvement de recul.

Je me rappelle la mine de Tricot, cherchant autour de lui, par terre, où était le chien, la bête soignée, qui inspirait si douce pitié à la belle dame. Puis-je faire autrement que de sourire, très amusée ?

Vraiment, je me trouverais dans un état excellent, s’il n’y avait pas cette Mme Paulin qui me plonge dans la honte avec ses mines de garde-malade fanatique, implacablement décidée.

Je lui tiens rancune d’avoir prononcé des paroles insensées qui, maintenant, me donnent à l’infini le sentiment de ma déchéance.