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occupé mes soirées et m’ont empêchée d’écrire. Ma robe était luisante de crasse et usée des deux côtés, à la hauteur où les tout petits m’accrochent continuellement.

Je me replonge dans mes griffonnages avec un bel entrain.

Mais pourquoi faut-il que ma faculté d’observation ait si profondément changé ? Où sont mes admirations du début ?…

Voilà tous les élèves muets, immobiles, assis en face de la maîtresse, du bureau, des pancartes murales… est-il bon qu’on ait mutilé le mouvement et le bruit en eux ? Les voilà en bois, devant la vie en bois de l’école.

Tout de même, il m’est doux de me réfugier en mes amis les enfants. Je critique, mais, au moins, je n’ai plus la nostalgie du bonheur perdu.

Un élève nouveau ! Le premier jour, il jase, il se dérange sans vergogne, il exhibe toute sa nature. C’est le spectacle amusant d’un animal acheté pour être mangé, mais qu’on lâche un peu en liberté auparavant.

Jean Mircœur, trois ans, a quitté sa place et, les deux poings aux hanches, est venu se planter devant le bureau de la directrice :

— Dis donc, est-ce que je suis un homme ?

— Pour sûr.

— Eh bien alors, papa m’achètera une tablette à quatre heures ?

— Certainement.

— Tu l’as vu ! Il te l’a dit ?