Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son menton, déclenchait son gosier. La normalienne discourait généreusement dans sa chaire ; Guittard avait l’air de ne pouvoir absolument pas avaler ses paroles.

La mère Guittard ne mérite pas d’être admirée comme une exception.

La semaine dernière une femme amène un élève nouveau : tablier blanc et tête malpropre.

— Madame, dit la directrice, laissez l’enfant pour aujourd’hui, mais nous n’acceptons pas de tablier blanc, c’est sale tout de suite : si vous n’en avez pas d’autres, je vous donnerai de l’étoffe pour en tailler un noir ; et puis je vous prierai de faire couper les cheveux et nettoyer la tête de l’enfant : j’ai des bons gratuits à votre disposition.

La mère déclare « qu’elle n’a pas besoin de tout ça ». Le lendemain elle n’envoie pas l’enfant, le surlendemain il arrive seul, à dix heures et tel que le premier jour : tablier blanc déjà maculé, chevelure en friche.

— Rose, reconduisez cet enfant immédiatement et dites que le Règlement est formel : un tablier de couleur et la tête propre ; rappelez que, si l’on veut, cela ne coûte rien.

La mère, occupée à moudre du café, tout debout sur le palier, en compagnie d’une voisine, lâcha le tiroir du moulin, par la violence de son indignation.

Elle avait laissé radoter la directrice ; jamais elle n’aurait cru possible une pareille prétention !