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la maternelle

décorée, tu ne pourrais pas enseigner la grammaire. Ça se comprend, pourtant !

Oh ! ces bouffées de mépris qui sortaient de sa pipe ! Ces jets de salive invincibles ! Oh ! ces regards pratiques, insoutenables, clairs comme le néant, qui incriminaient mon visage nerveux, mes traits évaporés, et tout le chimérique de ma personne mince !

D’autres demandes d’emploi ne rencontrèrent que le vague. L’enseignement secondaire était bouché par des postulantes moins nombreuses que les primaires, mais mille fois plus pistonnées.

La situation devint intolérable, d’autant plus que la pension de retraite ne permettait pas à mon oncle « de m’entretenir dans l’oisiveté ».

Je n’osais pas lire devant lui.

— On ne vit pas de lettres, on vit de pot-au-feu, répétait-il.

Et la splendeur du mois de juin était exaspérante. Paris ensoleillé offrait son irrésistible sourire d’or aux femmes ennuyées… Et je ne voulais pas m’ennuyer, moi !

Je ne pouvais pas attendre six mois l’examen, d’ailleurs platonique, du brevet élémentaire. Je me déclarai prête à accepter, séance tenante, n’importe quel travail.

Alors apparut, sans remède, la tare d’avoir trop d’instruction.

Je vois encore mon oncle courroucé tombant sur une chaise au retour de courses éreintantes :

— Il ne manque pas d’emplois que tu pourrais