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béret depuis huit jours ; c’est… c’est son second père qui l’accommode si rudement.

Je l’ai vite prise par le bras et conduite au lavabo, sa figure de pauvre mouton, barbouillée de larmes, était enflée, labourée d’ecchymoses.

Les camarades ont afflué derrière, bruyants, excités, hilarants, profitant de leur nombre pour continuer à manifester, l’accent canaille :

— Mince alors ! T’as vu c’te pâtée !

Ils viennent poser leurs paniers près de l’endroit où je tamponne Guittard ; plusieurs, chez qui persiste l’émerveillement de la magistrale correction, portent eux-mêmes de terribles marques paternelles sur le visage.

Que de notations instructives j’aurais à enregistrer ! Voir battre un camarade est une occasion d’importance qui fait sortir la nature, qui grossit et accentue les physionomies et, dans tous les cas, il apparaît incontestablement que notre vieille âme héroïque et conquérante n’est pas morte ; j’en juge à la façon dont Bonvalot tire les cheveux à Julia Kasen, sans méchanceté, par débordement enthousiaste.

Le choc nerveux s’est communiqué aux gamins déjà assis ; les cous se sont allongés vers Louise Guittard, les figures ont grimacé leur expression « de la rue », j’ai vu courir le long des bancs l’avidité féroce, stupide et lâche de la foule.

Mme Galant a donné le signal du chant, comme unique moyen d’apaisement. La pédagogie a de ces inspirations : un hosanna criard se déchaîne :