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indiquer à un étranger l’usage de la vaste salle, meublée, tout autour, de bancs très bas. L’odeur de crayon, de chien mouillé et de pommes de terre frites, que je ne remarquais plus les jours précédents, m’a causé une espèce de crainte administrative ; le bruit de mes pas m’a fait sentir le vide et la grandeur des classes. J’étais dépaysée comme après des vacances.

Mme Paulin est arrivée, bonne femme, indulgente, charitable ; elle m’a dit :

— Vous avez des yeux comme des entonnoirs à baisers… Alors, c’était son jour à votre ami ?

Elle approuvait que sa jeune collègue se fût payé un peu de bon temps. J’ai souri, les bras tirés par mes seaux de charbon.

Mme Paulin m’a porté plusieurs seaux, d’un poêle à l’autre, par complaisance et elle emmanchait de grands coups de tisonnier, en maugréant :

— Vous avez bien raison de profiter de votre jeunesse ; seulement je voudrais vous voir manger davantage… y a rien dans c’te poitrine-là, ma petite… M. Libois m’a demandé si nous étions bien nourries…

Y a rien !… Il est de fait que je me rétrécissais, tout incomplète.

L’arrivée des enfants m’a beaucoup secourue ; d’autant plus que le premier entré a été un petit boiteux qui fait toujours le chien après moi : il enfonce sa tête dans mon tablier, frotte ses cheveux, relève son museau qui voudrait lécher et, plusieurs fois, avant d’atteindre sa place, il se retourne, s’arrête sur une