Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
la maternelle

Une de mes habituées du soir, la mère Doré, décharge des réclamations retentissantes, quelquefois sur moi, à bout portant : « En vlà une boîte ! en vlà une équipe ! et dire que c’est nous qui payons ce monde-là ! ». Mais, généralement, elle demande audience à la directrice, elle emploie deux genres de hochements de tête qui alternent sans interruption ; les uns à mon adresse, pour signifier : « Nous sommes du même parti des opprimés, ce n’est pas à vous que j’en ai », les autres qui affirment l’énergie indomptable, la sombre expérience, la résolution mortelle de revendiquer sans merci un droit impérieux. Puis, du préau, j’entends son accent tragique :

— Madame, on a retiré un bon point à ma fille. Je voudrais savoir…

Les adjointes évitent le plus possible le contact avec les parents. D’abord, la hiérarchie exige que la directrice seule écoute les réclamations, et puis les adjointes ne veulent pas se commettre avec les femmes du quartier des Plâtriers, ni s’exposer à des invectives ou à l’offre d’un pourboire. Il faut voir la maîtresse « de service » le soir, après quatre heures. Les paniers ont été alignés près de la sortie, par terre. Quand on vient appeler un enfant, il quitte son banc et doit prendre son panier au passage ; mais, le plus souvent, il ne le reconnaît pas, malgré sa mère qui lui indique au travers des barreaux : « Celui-là… non… plus loin… » L’adjointe préside, à deux pas de la balustrade,