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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

au moins déplacé. Je sais aussi qu’il a rencontré dans le monde une certaine dame noble qui s’est entichée de lui et dont il s’est entiché…

— Ami Clemenceau, vous ne pouvez cependant exiger de lui la continence que vous-même ne pratiquez pas.

— Je me suis aussi aperçu d’une chose : c’est qu’il n’est pas du tout révolutionnaire. Il n’a même pas la moindre notion de cette grande époque. En dehors de son métier il ne sait rien. Il est ignorant de la vie comme…

— Comme un militaire, dit Mme de Loynes en riant,

— C’est cela même. Ces hommes-là, avec leurs képis bahutés, leurs mœurs et leurs habitudes d’obéissance, demeurent des collégiens jusque dans un âge avancé. Je les voudrais plus émancipés, moins conformistes…

— Alors, mon ami, vous les traiteriez de fauteurs de coups d’État, de factieux et vous les dénonceriez dans votre journal,

— C’est bien possible, mais je les estimerais davantage.

— Comment vont les amours, Clemenceau ?

— Fort bien. Elle est délicieuse et, après une surprise désagréable, que vous devinez, j’ai emballé ma femme pour l’Amérique. Ma sœur Brinza s’occupera de mes petites filles. Quant au garçon, ça s’élève tout seul.

— Je connais un jeune professeur, très recommandé par M. Lemaître et qui pourrait, au besoin, l’aider dans ses études. Il s’appelle Hugues le Roux, il est charmant, discret, et, paraît-il, savant.

— Mais, ma chère amie, je n’ai pas les moyens de payer un professeur particulier à mon fils en dehors