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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

qui facilitait l’hégémonie anglaise. En Allemagne, où Ferry était considéré, en dépit de « la ligne bleue des Vosges », comme de tendances germanophiles, et partisan du renoncement à l’Alsace-Lorraine. C’est dire que la chute du Tonkinois attira aussitôt l’attention, déjà éveillée, de Bismarck sur son tombeur Clemenceau. Un mot d’ordre commença à courir dans les étroits bureaux de la Wilhelm-strasse, qui allait se répandre à travers les chancelleries et la presse : Clemenceau, homme de l’Angleterre. Le germe de cette accusation, fortifiée du fait que le directeur de la Justice avait appris à parler couramment l’anglais en Amérique, le germe pernicieux prit ainsi naissance à Berlin et trouva aussitôt à Paris des oreilles complaisantes, dont Blovitz, correspondant bismarckien du Times et un courtier de publicité, personnage ténébreux, tout acquis à Henckel de Donnersmarck et à la police allemande de Paris : Alphonse Lenoir. Celui-ci était parvenu à s’insinuer dans les à côté administratifs de la Nouvelle Revue.

La police allemande de Paris ? Ce terme, qui peut surprendre, correspondait à une réalité depuis la libération du territoire, à la suite du règlement des cinq milliards. La Païva avait repris ses réceptions d’avant la guerre de 1870. Elle et son mari se tenaient au courant de la réfection militaire de la France. Ils avaient et tenaient à jour la liste des revanchards les plus en vue. Ils avaient des accointances avec certains journaux de fonds secrets, dont le principal était la Lanterne. Le directeur de celle-ci, un certain Eugène Mayer, leur était acquis. Par la suite un autre agent bismarckien, Rosenthal, dit Jacques Saint-Cère, réussissait à s’introduire au Figaro, alors le premier journal de Paris, et à y traiter de