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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

nisme. Mme Adam avait fondé, dans la même intention, une Nouvelle Revue, où elle groupait toutes les têtes de l’état-major français, puis par la suite, quelques têtes de l’état-major russe — elle était en relations avec le chancelier Gortchakof — dont le principal était Skobelef. D’où une certaine émulation, sinon rivalité entre le salon Juliette Adam, et le salon Ménard-Dorian, où nous avons vu trôner Clemenceau. Ce qui n’empêchait pas les deux maîtresses de maison de se recevoir et d’être, à un moment donné, fort liées.

Lockroy avait eu soin d’écarter Clemenceau des obsèques nationales de Victor Hugo. Bien qu’appartenant au même groupe, les deux hommes ne s’aimaient pas. Leurs tempéraments s’opposaient. Lockroy était fourbe et souterrain, Clemenceau détestait la dissimulation, l’hypocrisie et les masques. Dès qu’il en rencontrait un, il l’arrachait. Lockroy était peu doué pour l’art de la parole que possédait à fond Clemenceau. Celui-ci enfin connaissait la façon indigne dont son gendre traitait Victor Hugo : « Ah, le pauvre vieux, quelle fin de vie ! » Les deux carrières politiques devaient s’entre-croiser sans se contrecarrer, dans le Midi (Bouches-du Rhône et Var) comme à Paris. Mais Clemenceau avait un journal quotidien, alors que Lockroy n’en avait pas et c’était là encore un sujet d’envie. Un essai de renflouement de la France de Lalou, avec Millerand et Lockroy comme directeurs, tomba à plat.

La chute de Ferry avait eu sa répercussion en Angleterre et en Allemagne. En Angleterre, où l’expansion coloniale de la France commençait à soulever quelques craintes que ne suscitait pas l’esprit de revanche — affaire entre continentaux et