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LA VIE DE JÉSUS

— Inutile, mes amis, de m’offrir à manger. Je vous remercie. J’ai à manger une nourriture que vous ne savez pas.

Les disciples, étonnés, se dirent l’un à l’autre :

— Il paraît que quelqu’un lui a déjà donné des vivres. Ce doit être la femme avec qui nous l’avons trouvé.

« Mais Jésus n’entendait point parler d’une nourriture corporelle, dit un théologien. Il était tout à la joie d’avoir jeté quelques étincelles de son amour divin dans l’âme de la Samaritaine, et le parfait rassasiement de son cœur lui faisait oublier toute autre faim. »

C’est pourquoi il riposta :

— Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.

Les gens de Sichem pensèrent :

— S’il compte sur ce bifteck-là pour engraisser, nous le plaignons.

Jésus poursuivit en s’adressant à ses camarades :

— Levez vos yeux, et faites-moi le plaisir de regarder ces campagnes. Dans quatre mois, ce sera le temps de la moisson, vous dites-vous. Eh bien, moi, je vous dis : les campagnes sont déjà blanches et prêtes à être moissonnées. Et j’ajoute : celui qui sème n’est pas toujours celui qui récolte ; et cependant tous les deux sont contents. Ainsi, saisissez bien mon allusion : je vous ai envoyés pour moissonner de quoi faire pitance, et, tandis que vous étiez éloignés, une autre est venue, et c’est moi qui l’ai moissonnée.

Pendant que le fils du pigeon jargonnait de la sorte, les curieux l’entouraient.

Plusieurs, ravis d’entendre le Verbe, l’invitèrent à demeurer dans leur ville, et il y resta deux jours.

De son côté, la femme du puits alla raconter partout qu’elle avait fait une nouvelle connaissance, et que ce Jésus était mirobolant.

Les habitants de Sichem disaient à la Samaritaine :

— Il vous a épatée, c’est possible ; mais nous, il nous en a débité bien davantage. Maintenant que nous l’avons entendu, nous sommes sûrs qu’il est le Christ et qu’il sauvera le monde.

C’est du moins ce que nous raconte l’Évangile.

Vu que je n’y étais pas, je me garde bien de vous garantir l’authenticité de ce langage attribué aux Sichémites. Notez que je ne le conteste pas non plus.

Je l’enregistre, et je me contente de vous faire observer que nous ne trouvons, même dans l’Évangile, aucune trace sérieuse de cette conversion de toute une ville.

Les Sichémites proclamèrent chez eux que Jésus était le Christ et qu’il sauverait le monde ; mais pas un d’entre eux ne jugea bon de se joindre à la petite escorte des disciples. Conversion, en somme, fort platonique.