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LA VIE DE JÉSUS

pour nous que de voir ces trois rois et leurs chameaux se rendre majestueusement à une écurie !… Une mauvaise étable creusée dans le roc, et où n’étaient remisés que les bestiaux des pâtres et des charretiers sans le sou !

Hérode réfléchit un moment ; puis, il reprit son interrogatoire :

— Ces trois rois bizarres, qui vont rendre visite aux gens dans les écuries, où sont-ils ?

— Par exemple ! pour cela, nous n’en savons rien. Ils n’ont questionné personne, puisqu’ils se liaient à leur étoile, et ils sont repartis comme ils étaient venus.

— Et le vieux bonhomme, et la femme fraîchement accouchée, et l’enfant, sont-ils toujours à l’écurie ?

— Non, sire ; ils ont disparu un beau matin, ou, pour mieux dire, une belle nuit ; car c’est le matin qu’on s’est aperçu qu’ils avaient déguerpi. Ils ont même emmené avec eux un âne qu’un pauvre diable de muletier avait abrité dans cette étable. Nous ne savons certes pas qu’est-ce que c’est que cette famille ; mais à coup sûr ce ne sont pas des honnêtes gens.

— Cela suffit, murmura Hérode. Vous me cachez la vérité. Vous avez parmi vous cet enfant extraordinaire en l’honneur duquel sont venus à Bethléem les trois rois et leur étoile…

— Mais, sire, nous vous jurons…

— Je me moque de vos serments. Comme j’ai un intérêt politique très grand à ne pas laisser vivre une seconde de plus l’enfant en question, et comme je veux être sûr de ne pas le manquer, monsieur le bourreau et ses aides, que j’ai l’honneur de vous présenter, vont, sur l’heure même, massacrer tous les enfants mâles de Bethléem âgés de moins de deux ans.

Ce fut une lamentation générale. Les infortunés notables se roulèrent en larmes aux pieds d’Hérode. Il fut inflexible.

— Bourreaux, s’écria-t-il, vous m’avez entendu. Faites votre devoir !

Les bourreaux, aussitôt, commencèrent la tournée des deux ou trois cents maisons qui composaient le village, et, quand le soir le soleil eut disparu de l’horizon, ils avaient accompli leur sanglante besogne : dans cette bourgade de trois mille âmes[1],

  1. Bethleem n’a jamais eu plus de 3000 habitants, c’est là le chiffre maximum qu’ont atteint sa population, et encore n’est-ce pas au temps de Jésus.

    Ce village s’appelait primitivement Bethleem-Ephrata. Bethléem veut dire la maison du pain. Ephrata veut dire la futile.

    Nous croyons utile de faire une note importante pour cette bourgade qui, selon la légende catholique, fut le berceau de la religion de M. Louis Veuillot.

    Elle est située sur le sommet d’une haute colline qui descend, par une suite de terrasses couvertes de vignes et d’oliviers, jusqu’aux profondes vallées qui l’entourent de trois côtés. On y jouit d’un panorama magnifique. À droite, actuellement, s’élève un pic couronné d’un vieux donjon, qui doit aux croisades le nom de « Mont des Francs » à gauche, surgissent les dômes et les minarets de Jérusalem ; en face, à l’est, l’horizon est borné par la chaîne bleuâtre des montagnes de Moab.

    La population de Bethléem, connue de tout temps pour son humeur rebelle et belliqueuse, se compose en grande partie de chrétiens des trois sectes (catholique, grecque et arménienne), dont l’occupation, outre la culture des champs et des vignobles, consiste dans la fabrication des chapelets, des croix de nacre et autres objets de dévotion, qui forment le revenu le plus important de ces villageois industrieux.

    À l’extrémité est de la ville, l’église de la Nativité, dont la construction, commencée par