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LA VIE DE JÉSUS

Toutefois, l’Oint ne se préoccupa pas seulement des résultats de son sacrifice.

Il regarda les soldats qui, à ses pieds, se partageaient ses vêtements. Ils coupèrent son manteau en quatre, et ils tirèrent au sort sa tunique qui était sans couture et faite d’un seul tissu du haut jusques en bas. C’est cette merveilleuse tunique, qui était l’œuvre de Marie, et dont Jésus se servait depuis sa naissance : elle avait grandi avec lui. Il paraît que le soldat qui la gagna à la loterie du Calvaire, la transmit à sa mort à’quelque pieux fidèle ; car, de l’un à l’autre, elle est venue jusqu’à un curé d’Argenteuil, qui en a fait le grand objet de curiosité de son église[1].

Assistant au spectacle du partage de ses habits et réveillé par la douleur aiguë de ses trous aux mains (la nature divine ne fonctionnait pas), il dit, dans ce quart d’heure de lucidité :

— Pardonnez-leur, mon père ; car ils ne savent pas ce qu’ils font !

Mais les soldats et les gens du peuple, dont les cœurs étaient décidément durs comme de la pierre, se moquaient du crucifié et de ses prières.

— Eh ! dis donc, lui criaient-ils, toi qui détruis le Temple et qui le rebâtis en trois jours, voilà une belle occasion pour faire un miracle ; décroche-toi de ta potence pour nous épater !

Quelques-uns ajoutaient :

— Il prétend sauver les autres, et il ne peut se sauver lui-même.

Et d’autres :

— À propos, ne nous chantait-il pas qu’il est le fils de Dieu ? Pourquoi alors son Père céleste ne le délivre-t-il pas ?

Jésus, qui avait ses raisons pour rester sur la croix, se gardait bien d’en descendre.

Les deux filous, qui étaient crucifiés à ses côtés, l’interpellèrent à leur tour.

Ici encore les évangélistes ne sont pas d’accord.

Matthieu (XXVII, 44). — « Les voleurs, qui étaient crucifiés avec lui, lui faisaient aussi les mêmes reproches. »

Marc (XV, 32). — « Et ceux qui avaient été crucifiés avec lui l’outrageaient aussi de leurs paroles. »

Jean passe complètement sous silence cet incident des insultes des voleurs.

Quant à Luc (XXIII, 39-43), il dit : « Or, l’un de ces voleurs, qui étaient crucifiés avec lui, le blasphémait en disant : Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même, et nous avec toi. — Mais l’autre, le reprenant, lui disait : N’avez-vous donc point de crainte de Dieu, vous qui vous trouvez condamné au même supplice ? Encore pour nous, c’est avec justice, puisque nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée ; mais celui-ci n’a fait aucun

  1. Cette relique prétendue est effectivement à l’église d’Argenteuil, près Paris, ce qui n’empêche pas la cathédrale de Cologne de la posséder aussi.