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LA VIE DE JÉSUS

tant accompli de miracles dans sa vie que les miraculés présents au moment de sa passion auraient pu faire mordre la poussière à tous ses ennemis.

Mais non ! tous ces sans-cœur riaient de la piteuse figure de celui qui les avait guéris. Pas un qui songeât à lui venir en aide !

Le péché de la pomme s’expiait de la belle façon. Ce furent les soldats qui, les premiers, eurent pitié du condamné.

À la prison, était le dépôt général des croix qui servaient aux supplices. La coutume voulait que le condamné portât sa potence depuis sa prison jusqu’au lieu de l’exécution. Les deux filous portaient gaillardement leur croix sur l’épaule. Quant à Jésus, il trouvait que c’était lourd ; et puis, elle lui raclait le dos ; la malechance lui avait fait échoir en partage une croix très mal rabotée.

On sait qu’il se connaissait en charpente ; il souffrait doublement, et du poids de l’objet, et de sa fabrication dont, en homme du métier, il constatait tous les défauts.

En outre, il ne faut pas oublier que, depuis le Jardin des Oliviers, où l’ange l’avait contraint à avaler le calice d’amertume, notre Oint était dans un état d’affaissement presque complet. C’est à Gethsémani, disent les livres appelés saints, que commença son agonie. Ayant peine à se tenir sur ses jambes, tant il laissait la nature humaine dominer la nature divine, il succombait sous le fardeau de la croix. Quand on fut aux portes de la ville, il défaillit tout de bon.

Les soldats, alors, tinrent conseil entre eux et dirent :

— Ce pauvre diable a son compte. Ce serait cruauté que vouloir lui laisser trimballer plus longtemps son poteau.

Et ils jetèrent les yeux sur les gens de la foule.

Justement, il y avait là un robuste gaillard qui s’était croisé avec le cortège et le regardait passer.

— Comment te nommes-tu, l’homme ? lui demanda-t-on.

— Simon.

— Eh bien, Simon, tu vas porter la croix à la place du condamné.

Ce Simon, qui était de Cyrène, ne trouva pas la proposition à son goût. Il se rebiffa.

— Portez vous-mêmes la potence, dit-il ; je n’en ai que faire !…

Mais les soldats le contraignirent à cette besogne, et Simon, tout en maugréant, chargé de la pièce de charpente, suivit Jésus.

Par parenthèse, je me demande pourquoi les curés ne parlent de Simon le Cyrénéen qu’avec les plus grands éloges ; ils le représentent comme un ami dévoué du Christ ; ils en font quasiment un saint. Cependant l’Évangile est formel : « les soldats le contraignirent », disent saint Matthieu et les autres.