Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
LA VIE DE JÉSUS

Et il désigna plusieurs des assistants.

L’un d’eux, vexé d’être mis en cause, appliqua sur la joue divine du récalcitrant une maîtresse gifle en disant :

— Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ?

Cet argument rendit aussitôt l’Oint doux comme un agneau.

— Si j’ai mal parlé, fit-il, montrez ce que j’ai dit de mal ; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ?

Il est à remarquer — et il ne faudrait pas l’oublier — qu’il y avait deux natures dans le Christ : la nature humaine et la nature divine. C’est pour cela que, tout le temps de la passion, nous le trouverons tantôt bravant ses adversaires comme un dieu qui ne peut rien souffrir, tantôt pliant sous la douleur et désireux d’en finir le plus tôt possible avec tous ces embêtements.

C’est une grave question théologique que celle de savoir à quel moment fonctionnait la nature divine, et à quel autre moment la nature humaine. Ce mystère des deux natures est excessivement compliqué.

Entre nous, — je puis bien vous faire cet aveu, amis lecteurs, — si j’avais été un des farceurs qui ont inventé la religion chrétienne, je n’aurais pas introduit dans le dogme cette joyeuse sottise des deux natures. J’aurais dit, par exemple, que dès l’instant où le pigeon fourra son co-trinitaire dans les entrailles de la petite Marie, celui-ci fit complètement abandon de sa divinité, et cela jusqu’à sa mort. J’aurais présenté monsieur Christ comme ayant été purement et simplement homme durant tout le cours de son existence ; je ne lui aurais fait exécuter aucun miracle ; chaque fois qu’une manifestation céleste aurait été nécessaire, ç’eût été papa Sabaoth qui eût agi pour bien démontrer qu’il faisait cause commune avec Jésus. Mon Jésus, à moi, n’aurait récupéré sa divinité qu’au moment de son dernier soupir.

Comment, en effet, peut-on prendre au sérieux les souffrances de la passion, quand les prêtres nous disent que l’ex-charpentier, à la fois dieu et homme, pouvait à volonté endurer les tourments du supplice qu’on lui infligeait ou ne rien sentir du tout ?

Franchement, il faut être de bonne composition pour s’attendrir sur un quidam d’une sensibilité aussi variable.

Anne, ne pouvant rien tirer de notre homme, — pardon, de notre dieu, — le renvoya, toujours ficelé comme un saucisson d’Arles, à son gendre.

Celui-ci, prévenu par le capitaine des gardes du Temple, avait convoqué le Sanhédrin, qui formait la haute cour de justice en Judée. Cette assemblée comptait soixante-et-onze membres dans ses réunions plénières ; mais la présence de vingt-trois suffisait pour constituer le tribunal et donner force à ses arrêts. Le « Nasi », ou patriarche du Sanhédrin, présidait aux délibérations, perché sur une estrade ; en son absence, c’était