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LA VIE DE JÉSUS

donnent leur superflu ; à elle, — qui sait ? — ce dernier sou était peut-être nécessaire.

Il aurait pu ajouter, pour être logique jusqu’au bout, que les riches, même en ne donnant que leur superflu, étaient encore plus généreux que lui ; en effet, ni lui ni ses apôtres ne donnèrent jamais rien du tout.

Passant dans les chantiers de construction, il déclara que ce n’était pas la peine de terminer l’édification du Temple, vu qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre un jour. À vrai dire, c’est un peu l’histoire de tous les monuments ; si solidement construits qu’ils soient, ils ne résistent pas à l’action du temps, à la ruine des siècles. Nul besoin d’être prophète pour annoncer cela !…

Enfin, lorsque la nuit fut proche, il emmena ses apôtres sur la colline des Oliviers, dont il avait fait décidément son auberge, et avant de se mettre au lit, c’est-à-dire de s’allonger sur le sol, il leur raconta une dernière histoire :

— Il y avait une fois dix vierges qui devaient accompagner à la noce une de leurs amies qui se mariait. Selon l’usage, le soir, elles se rendirent toutes dix à la demeure de la fiancée. Mais cinq d’entre elles étaient sages, et les cinq autres étaient folles. Conformément au rituel, chacune se munit d’une lampe pour passer la nuit ; seulement, les cinq vierges folles oublièrent de garnir leurs lampes d’huile. Or, il arriva que l’époux, ayant trop fait durer son dernier repas de garçon, tarda à venir ; de sorte que les dix compagnes de la mariée s’assoupirent toutes et s’endormirent. Sur le coup de minuit, un grand cri retentit dans la maison : « Voici l’époux ! allez au-devant de lui ! » Les dix vierges se levèrent comme un seul homme ; mais il y avait cinq lampes qui s’étaient éteintes, celles qui n’avaient plus d’huile. « Chères amies, dirent les cinq vierges folles aux cinq vierges sages, donnez-nous un peu de votre huile. — Plus souvent ! répondirent les cinq vierges sages ; nous risquerions d’en manquer ; allez en acheter. » Les cinq vierges folles coururent chez les marchands d’huile. Malheureusement pour elles, pendant ce temps, l’époux vint ; les cinq vierges qui étaient prêtes entrèrent avec lui et la mariée dans la salle des noces, et l’on ferma la porte, afin de rigoler sans craindre les importuns. Au bout de quelque temps, on fit toc-toc à la porte ; c’étaient les cinq vierges folles qui avaient enfin trouvé de l’huile. Le mari demanda : « Qui est-ce ? » Les vierges folles répondirent : « Nous sommes cinq amies de votre dame ; vous êtes en train de rigoler ; nous venons pour être de la partie. » Le mari répliqua : « Trop tard, mes bichettes ; je ne vous connais point », et il n’ouvrit pas.

Cette niaiserie amusa beaucoup les apôtres.

Ne voulant pas les laisser s’endormir sur des idées gaies, Jésus leur expliqua alors comment se passerait la fin du monde. On connaît cette rengaine.

Tout d’un coup les tombeaux s’ouvriront, tous les squelettes se garniront de chair, les membres dispersés se rejoindront,