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LA VIE DE JÉSUS

— Vous menez un train de vie qui n’est pas en rapport avec vos appointements. Vous dépensez cent fois plus que vous gagnez chez moi… Il est évident que c’est ma caisse qui paye toutes vos fantaisies… Rendez-moi donc immédiatement vos comptes, et, s’ils ne sont pas en règle, prenez garde à ma juste colère !

L’économe se retira penaud.

— Je suis pincé, se dit-il. Bien heureux serai-je si le patron se contente de me flanquer à la porte. Que faire ? Lui rendre des comptes est impossible. Profitons du peu de temps que j’ai à rester dans cette maison, pour me créer des amis qui m’hébergeront et m’inviteront à leur table quand je serai sans place. Là-dessus, il manda en toute hâte auprès de lui tous les débiteurs de son patron.

— Combien devez-vous à mon maître ? demanda-t-il au premier.

— Cent barils d’huile. Je me suis engagé à les payer à la fin du mois.

— Très bien ; le patron ne sait pas le premier mot de ses affaires. Vous lui avez souscrit un billet en payement de cent barils d’huile. Le voici, ce billet. Je le déchire. Faites-m’en, à la place, un pour cinquante barils seulement.

— Mille remercîments, dit le débiteur. À la bonne heure, il y a du plaisir à être en relations commerciales avec vous.

L’économe prit ensuite à part un second débiteur.

— Quelle est votre dette, à vous ?

— Cent mesures de froment.

— Parfait ; asseyez-vous à cette table ; signez une obligation de quatre-vingts mesures, et je déchire celle de cent. Je suis sur le point de quitter ma place, et vous comprenez qu’avant de partir, je tiens à vous obliger.

— Vous êtes on ne peut plus accommodant. Soyez persuadé que je vous saurai gré toute ma vie de votre obligeance.

Et ainsi de suite. L’économe infidèle se fit sans vergogne, de cette façon, une multitude d’amis aux dépens de son patron.

Croyez-vous, par hasard, que Jésus, en débitant cette parabole, blâmait la malhonnêteté ignoble de cet administrateur fripon ?

Au contraire, l’Évangile dit que l’économe infidèle agit sagement ; et le souverain maître, au jour du jugement, loua cet économe infidèle de ce qu’il s’était comporté en homme rempli de prudence.

Et le Christ ajoutait (c’est textuel) :

« Moi, je vous le dis : employez les richesses acquises malhonnêtement à vous faire des amis, afin que, lorsque vous viendrez à être dans le besoin, vous soyez reçus éternellement dans les maisons de ceux que vous aurez obligés. » (Luc, XVI, 1-9.)

Et voilà les théories chrétiennes en ce qui concerne la probité. On voit bien que clérical et filou sont deux mots qui ont une grande ressemblance.