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LA VIE DE JÉSUS

— Oui, mon cœur ; mais pas tout de suite, plus tard… Enfin, je vous y conduirai un jour, je vous le promets, si vous consentez à m’aimer par dessus tout.

— Je vous le jure !

— Fort bien… Relevez-vous, voilà du monde qui arrive.

En effet, la belle pécheresse s’était jetée aux genoux de ce personnage mystérieux qui lui avait sauvé la vie, et elle lui donnait des marques de l’affection qui naissait en elle ; d’autre part, les disciples, qui étaient à la recherche de Jésus accouraient.

L’Oint, avec une majesté théâtrale, releva la femme adultère, et lui dit à haute voix :

— Allez, et ne péchez plus !

Sur quoi, il se rendit dans le Trésor, qui était la partie du Temple réservée aux femmes. La nouvelle de son intervention en faveur d’une épouse infidèle, l’y avait précédé. Il est inutile de dire avec quelle faveur il fut accueilli par toutes ces dames ; l’Évangile reconnaît qu’il put dire dans le Trésor tout ce qui lui passa par la tête, et que, malgré leur profonde colère, les docteurs du Temple n’osèrent, cette fois encore, le faire arrêter. (Jean, VIII, 1-20).

Cette anecdote, relative à la femme adultère, a été jugée de diverses façons. La majeure partie des commentateurs, même des commentateurs catholiques, se montrent fort embarrassés par cette indulgence extrême de Jésus envers les épouses qui cocufient leurs maris. Pendant très longtemps, l’Église supprima cette histoire de l’Évangile. Nicon, moine arménien, qui vivait au dixième siècle, dit que ce passage fut enlevé de la traduction arménienne du Nouveau-Testament comme pouvant nuire à la religion (Migne, Patrologie Grecque, tome I, page 656). En outre, aujourd’hui encore, on cherche vainement l’incident de la femme adultère dans les anciens manuscrits. Nous pouvons citer parmi les manuscrits authentiques d’où cet incident a été retranché : celui d’Alexandrie, ceux du Sinaï, le palimpseste d’Ephrem, et les traductions évangéliques des principaux pères de l’Église, tels qu’Origène, saint Cyrille, Tertullien, saint Cyprien, saint Jean Chrysostome. Ces suppressions prouvent que plusieurs des gros bonnets du christianisme n’étaient pas trop fiers d’un dieu représenté par la légende comme prenant le parti des épouses adultères. Par contre, saint Augustin, qui se moquait bien de ce que pouvaient penser ses ouailles et qui ne dédaignait pas d’embrasser les jolies pénitentes de son diocèse, a conservé le passage en question dans toutes les traductions évangéliques qu’on a de lui.