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LA VIE DE JÉSUS

Un peu que déjà les camarades me blaguent d’avoir jeté mon dévolu sur une jeunesse !… C’est pour le coup qu’ils me monteraient une scie : « Ah ! mon pauvre Joseph, ça y est ! » J’entends d’ici toutes les chansons des ateliers… Et les apprentis, qui sont de vraies gales, c’est ceux-là qui s’en feraient une bosse, à mon propos !… Non, ma foi, ça ne peut pas aller comme ça…, Je suis dégagé de ma parole… Je n’ai pas envie de devenir la fable de tout le quartier !…

Tandis que Joseph parlait, Marion avait un peu repris contenance. Elle essaya d’amadouer son fiancé, esquissa une moue câline, pour lui faire avaler la pilule :

— Joseph, mon ami, je vous jure que vous vous trompez… Je suis aussi pure que l’enfant qui naîtra de moi…

— Aussi pure que votre futur poupon, dites-vous !… Eh bien, elle est raide, celle-là…

— Joseph, mon gros lapin, je vous donne ma parole d’honneur que je suis toujours digne de vous… Aucun homme ne peut se vanter d’avoir seulement baisé le bout de mes doigts…

— Ta, ta, ta, je ne prends pas des vessies pour des lanternes… Qui donc, si ce n’est un homme, vous a mis dans cette fichue position ?

— C’est le pigeon, Joseph !

Pour le coup, le charpentier se fâcha tout rouge.

— La vaurienne ! elle se moque encore de moi par-dessus le marché… Nom d’une pipe ! c’est fièrement heureux qu’elle ait commencé ses cascades avant que nous ayons passé devant le maire… Une fois le conjungo accompli, c’est Bibi qui aurait été dans de beaux draps !…

Là-dessus, Joseph se retira furieux, Il est regrettable que l’évangéliste Matthieu, qui nous fait part de cet incident, ne nous ait pas donné le texte des récriminations du bonhomme aux fleurs de lis. Les paroles que je viens de prêter au fiancé de Marie doivent être bien faibles à côté de celles qu’il a dû réellement prononcer. « Vaurienne » et « galopine » sont des qualificatifs fort pâles auprès de ceux qu’a certainement appliqués à sa fiancée infidèle le charpentier vexé ; car il est à présumer que notre manieur de rabot et de varlope n’a pas mis de gants pour dire à Marion tout ce qu’il avait sur le cœur.

Quant à Joachim et Anne, ils en étaient comme des tourtes ; ils ouvraient une bouche démesurée, tant chez eux l’étonnement était extrême.

Lorsque Joseph fut sorti, il y eut un attrapage dans toutes les règles. Les mots désagréables grêlaient sur Marion. Le papa et la maman voulaient savoir à toute force quel polisson du voisinage était l’auteur de ce que Joachim et Anne, dans leur ignorance des desseins de Dieu, considéraient comme une vilaine besogne. Il y avait même un certain cousin, du nom de Panther, sur qui la mère Anne arrêtait particulièrement ses soupçons ; ce cousin Panther n’était pas mal de sa personne