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LA VIE DE JÉSUS

Jésus prit l’enfant par la main, le releva, et le gosse guéri se tint debout. Les scribes baissèrent l’oreille et la foule applaudit. C’était un vrai succès. Modeste comme la violette, l’Oint se déroba devant l’enthousiasme des assistants et entra dans une maison voisine, où les apôtres le suivirent, honteux de leur impuissance et ne sachant à quoi l’attribuer.

Quand ils furent seuls avec le patron, ils lui demandèrent des explications.

— Enfin, dit l’un d’entre eux parlant au nom des onze autres, qu’est-ce que cela signifie ? Il y a six mois, quand vous nous avez envoyés en mission, vous nous aviez donné le pouvoir d’opérer des prodiges ; nous en avons usé ; grâce à nous, quelques guérisons ont été opérées. Aujourd’hui, nous voulons recommencer le truc, et ça ne biche plus !… Parlez franchement, nous avez-vous retiré le don des miracles ? Alors, pourquoi ?

— Mes petits agneaux, répondit le Christ, cela tient tout bêtement à ce que vous n’avez plus autant de foi qu’il y a six mois. En vérité, en vérité, je vous le dis, tout homme qui aura en moi une foi sans limites, possédera une puissance inouïe ; tout homme croyant en ma divinité pourra dire à une montagne : « Change de place », et la montagne ira où il aura voulu. La foi, sachez-le bien, transporte les montagnes[1].

Cette parole de Jésus, qui est consignée dans l’Évangile, et que les catholiques ne peuvent renier, me fait faire une réflexion : elle prouve, à mon avis, que les évêques de France sont de bien mauvais patriotes. En 1870, la France, que les théologiens appellent la fille aînée de l’Église, était envahie par les armées allemandes ; les Allemands, au dire des catholiques, sont un peuple hérétique voué à l’enfer. Or, si des individus ont la foi, ce doit être les évêques ; car, si les évêques ne croyaient pas à la divinité de Jésus-Christ, je ne vois pas pourquoi nous y croirions, nous qui ne sommes que de simples pékins. Eh bien, puisque les évêques ont une foi sans limites, ils peuvent, d’un simple mot, transporter les montagnes. Voyez un peu comme la France aurait triomphé de la Prusse, si les évêques français avaient eu pour deux liards de patriotisme : au fur et à mesure que les armées allemandes se seraient avancées sur le territoire, les évêques auraient accumulé les obstacles. L’invasion était même impossible. Au commandement de l’archevêque de Paris, toute la chaîne de l’Himalaya, qui est infranchissable, serait venue se placer sur la frontière française, et les Prussiens auraient bien été obligés de rester chez eux. Si même, par suite d’une ténacité indomptable, ils avaient gravi les pics de l’Himalaya transportés par les évêques au bord du Rhin, le cardinal de Lyon aurait saisi le moment où les troupes du roi Guillaume se seraient trouvées au sommet de ces diverses montagnes et aurait commandé :

  1. Matthieu, XVII, 14-20, Marc, IX, 13-29, Luc, IX, 37-41.