Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LA VIE DE JÉSUS

service du Temple. — Il faut vous dire que les curés juifs faisaient leur besogne à tour de rôle. Le métier déjà n’était pas par lui-même fatigant, et en outre il y avait des vacances. — C’était pendant ces vacances que Zacharie se prélassait dans sa maison de campagne à Youttah.

Il n’y avait pas à regimber. Zacharie aurait bien voulu continuer, en compagnie de sa femme, à planter des choux, de ces choux extraordinaires dans lesquels on trouve quelquefois un poupon. Mais le règlement était là, rigide, formel, absolu.

Au Temple, Zacharie, au Temple !

Le pauvre homme pensait que son tour de ministère sacerdotal arrivait trop tôt. Tant pis pour lui ! Il fallut partir.

Zacharie prit donc, en maugréant, le chemin de Jérusalem. Heureusement, si chaque médaille a son revers, la logique veut que chaque revers de médaille ait son beau côté. Comme on tirait au sort les divers offices à remplir par les curés de semaine, le sort désigna Zacharie pour le poste de « brûleur d’encens ». Or, il est bon que vous le sachiez, le plus grand honneur qui pût échoir à un curé était précisément la charge de brûleur d’encens.

Ah ! ce n’était pas une petite affaire, sapristi ! Chez messieurs les juifs, les choses se passaient en grande solennité.

D’abord, au beau milieu du sanctuaire trois fois saint, entre un immense chandelier à sept branches et une table garnie de pains bénits, il y avait un autel d’or. — Hein, qu’en dites-vous, mes agneaux ? Rien que ça de luxe ! — Un simple voile séparait ce sanctuaire mirobolant d’un autre endroit appelé Tabernacle, celui-ci encore plus sacré que le sanctuaire ; car c’était là que se tenait, drapé dans sa majestueuse invisibilité, le papa Jéhovah, autrement dit l’Excessivement-Haut, ou le Seigneur Sabaoth.

N’entrait pas qui voulait dans le Tabernacle : le brûleur d’encens seul avait le droit de pénétrer dans ce lieu redoutable.

Dès que le curé chargé de cet office arrivait dans le Temple, la foule entonnait des hymnes d’allégresse, on ravivait les flammes des lampes, on s’écartait avec respect du ministre officiant, qui, laissant ses enfants de chœur à la barrière, mettait seul le pied sur les dalles du sanctuaire.

Après quoi, à un signal donné par un prince des prêtres, il jetait des parfums sur le feu, c’est-à-dire non pas de l’eau de Cologne, comme vous pourriez le croire, mais un encens pur représentant les prières des fidèles. Tandis que l’encens brûlait, monsieur le curé s’inclinait, puis marchait vers le Tabernacle, à reculons, pour ne pas tourner le dos à l’autel. Une cloche annonçait sa sortie et les bénédictions qu’il répandait sur le peuple ; aussitôt les lévites hurlaient de pieux cantiques, accompagnés par le saint charivari de la musique du Temple. C’était grandiose, c’était majestueux, c’était imposant. Oh ! non, tenez, ne m’en parlez pas.