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CHAPITRE V


À dater de ce moment, leur intimité fut altérée. Claire nourrissait une rancune de la résignation trop facile de Ferdinand. Lui, peu à peu, reprit ses anciennes habitudes, sans paraître s’apercevoir — peut-être ne le voulait-il pas — de la mélancolie de sa jeune femme. Il sortait le matin après avoir pris le café, revenait pour dîner à midi, et sortait de nouveau une heure après, pour ne rentrer qu’à sept heures. Le nombre de minutes qu’il restait à causer avec sa femme après le repas, tout en fumant un cigare, devint pour Claire la mesure variable du bonheur de la journée. Sauf ces moments, et les deux heures qui suivaient le souper, elle était seule tout le jour. Elle se tenait dans sa chambre, assise devant sa table à ouvrage, à l’une des fenêtres. Sa broderie ne pouvant guère lui occuper l’esprit, elle s’absorbait en de profondes rêveries, et quelquefois ses longs cils devenaient brillants de larmes, qu’elle essuyait promptement, comme si elle eût craint, bien que seule, d’oser en verser.