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UN DIVORCE

nos chères habitudes. Car elle se promettait de mettre en peu de temps Louise en état de faire toute seule au moins le souper. Par malheur, Louise était d’une maladresse extraordinaire. Elle était fort docile, il est vrai, et répondait toujours : Oui, madame ; mais il se trouvait après qu’elle n’avait pas du tout compris, et son service n’était qu’une suite d’étourdissants quiproquo.

La pauvre Claire en pleurait parfois de chagrin et d’impatience, car les jours se passaient, et Ferdinand avait pris l’habitude de ne rentrer qu’à l’heure du souper. Même, il se faisait quelquefois attendre.

Le huitième jour enfin, la jeune femme crut pouvoir confier Louise à ses propres forces, et, au dîner, qui dans la Suisse se fait généralement à midi, toute rayonnante, elle annonça à Ferdinand qu’elle pourrait sortir le soir avec lui. Mais à quoi pensait-il ? car ce fut froidement qu’il en reçut la nouvelle. Prête avant l’heure, le soir, Claire attendait impatiemment son mari ; il ne revint que très-tard, et il avait l’air préoccupé. La promenade fut languissante. Claire se sentait le cœur gros ; ils ne trouvaient rien à se dire ; M. Desfayes regarda plusieurs fois à sa montre, et ils rentrèrent à l’heure juste. Une forte odeur de brûlé qui se fit sentir dès l’escalier conduisit Claire à sa cuisine, où les prévisions les plus fâcheuses ne furent que trop justifiées. La malheureuse Louise avait entassé bévues sur malheurs, et en dépit des efforts de Claire le souper fut détestable. Elle essaya bien d’en rire un peu, quoiqu’elle n’en eût guère envie ; mais Ferdinand maintint contre ses timides plaisanteries un sérieux mortel, et ne se mit point en peine de cacher sa mauvaise humeur.

— Il faut tout simplement renoncer à ces promenades, conclut-il enfin.