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UN DIVORCE

— Bah ! laissez-le donc, interrompit un honnête père de famille ; il nous reviendra assez. L’amour conjugal, ça n’est jamais dangereux.

Il rit après avoir dit cela, et tout le monde avec lui.

— Oui, Ferdinand a le faible de la femme, dit un jeune ministre, le fiancé de Louise Pascoud ; je l’ai vu une fois sur le point d’épouser une petite ouvrière qui lui résistait. Je lui représentai vivement alors quelle folie ce serait à lui, et il en convint, heureusement.

— Ah ! laquelle était-ce donc ?

— Oh ! elle est mariée maintenant ; c’est madame Fonjallaz, la maîtresse du café de la place Saint-Laurent.

— Une jolie femme, en effet !

— Oui, ma foi ! et fort avenante. Ils donnent même de bon vin et pas cher ; ils ont du monde.

Les prévisions vulgaires ne sont qu’expérience ; mais à cause de cela précisément elles se vérifient le plus souvent. Le second mois, Claire sentit vaguement que leurs promenades et leurs tête-à-tête avaient moins de charme pour Ferdinand. C’était un air distrait qu’il n’avait pas autrefois ; quelque chose d’atténué, d’indifférent. Elle, ramenait sans cesse le ton des premiers jours, mais se trouvait mal secondée.

Toutefois elle ne s’en inquiéta pas encore ; ce ne fut qu’un malaise vague, instinctif, non avoué. Mais il arriva qu’ils furent obligés de renvoyer leur domestique, fille fort entendue, mais infidèle, et Claire se décida, sur les conseils de sa mère, à prendre une jeune fille qui n’avait pas fait d’autre service, et qu’elle formerait à son goût.

Ce fut donc toute une éducation à faire, et Claire, dès