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UN DIVORCE

Lausanne est assise au penchant d’une colline, à une demi-lieue au-dessus du lac, et tout l’espace compris entre la ville et la rive est rempli de maisons de campagne et coupé de chemins, qui serpentent au milieu des vignes ou des prés. Claire et Ferdinand, presque tous les soirs, descendaient la colline et suivaient quelque temps le bord de cette étendue limpide, d’une si admirable pureté, où se réfléchissent tour à tour, avec les images des montagnes, tous les feux et toutes les couleurs du ciel. Elle aimait à sentir rouler sous ses pieds les galets fins et polis, tandis que, les yeux attachés sur les cimes alpestres, ils se retraçaient encore les incidents de leur voyage dans l’Oberland.

De quoi causaient-ils d’ailleurs ? De peu de chose : de petites préoccupations d’intérieur, quelquefois de certaines aventures d’enfance ou de jeunesse. Il leur était arrivé de partir en riant, sans savoir pourquoi, et de trouver dans tout ce qui s’offrait à leurs yeux, dans la physionomie des passants, même dans celle des pierres du chemin, les motifs d’une gaieté désopilante.

Un mois tout entier s’écoula ainsi, et l’on commençait dans leur entourage à s’émerveiller de l’assiduité de M. Desfayes auprès de sa femme. On ne le voyait plus au café ; ses amis en plaisantaient.

— Ferdinand est un excellent garçon ; mais faible vis-à-vis des femmes, observait M. Renaud, le journaliste.

— On ne peut lui faire un crime, s’écria le digne M. Pascoud, qui depuis près de cinquante ans avait consacré sa muse légère au service de la faiblesse et de la beauté, on ne peut lui faire un crime de céder aux feux de l’amour conjugal et d’oublier dans les bras d’une chaste épouse…