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UN DIVORCE

occuper Claire d’une manière sérieuse. Elle recevait ses amies volontiers ; mais elle n’allait point les voir. Elle ne sortait qu’avec son mari ; quand il n’était pas là, elle l’attendait, et sa vie à elle-même en était comme suspendue. Les plans même qu’elle faisait pour le bien-être et l’économie de son ménage, elle avait besoin d’en parler à Ferdinand, et les lui communiquait avec orgueil dès qu’il était de retour.

Il l’écoutait en souriant, avec la complaisance qu’on accorde aux récits d’un petit enfant ; puis, à son tour, il se mettait à parler du cours de l’argent, de la marche des affaires, des embarras que donnaient les clients, de projets financiers, de perspectives commerciales. Claire essaya d’abord de s’intéresser un peu à ces choses, mais la patience lui manqua bientôt, et, pour combattre les bâillements nerveux que ce sujet d’entretien lui causait, elle tourna la chose en plaisanterie.

D’abord elle écoutait d’un air plaisant et mutin ; puis elle interrompait par une saillie, ou, contrefaisant son mari, elle répétait les termes dont il se servait, en les appliquant d’une manière comique à d’autres sujets. Cela les fit beaucoup rire la première fois, et Ferdinand trouva que sa petite femme était charmante. Mais la plaisanterie perdit de son charme en se répétant, au point qu’une fois, tout à coup, prenant de l’humeur, il reprocha à Claire de n’être qu’une enfant, avec laquelle on ne pouvait causer de choses sérieuses.

Claire baissa les yeux sur son ouvrage et ne dit plus rien ; mais lui tout aussitôt la prit dans ses bras en riant, et sécha par cent baisers l’humidité de ses beaux yeux. Après cela, ils ne trouvèrent plus rien à se dire, et, comme on ne peut s’embrasser toujours, ils achevèrent à la promenade le reste de la soirée.