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UN DIVORCE

la cuisine. C’était tout ; mais que leur fallait-il davantage ?

Madame Grandvaux et la tante Charlet, en femmes prévoyantes, avaient regretté qu’il n’y eût pas une ou deux chambres de plus pour les enfants quand ils seraient grands ; mais Claire, n’allant pas si loin, songeait seulement qu’un berceau tout blanc ferait à merveille dans la chambre rose. Quant aux bureaux de M. Desfayes, ils étaient en ville, chez son associé.

Dès le lendemain de leur installation à Lausanne, Claire vit bien que ces beaux premiers jours pendant lesquels ils avaient été entièrement l’un à l’autre étaient passés. Il fallait que Ferdinand se donnât à ses affaires, et que, suivant l’expression de son associé Dubreuil, il rattrapât le temps perdu.

Claire se trouva donc seule pendant de longues heures, ce qui lui fut aussi nouveau, après ces quinze jours d’enthousiasme amoureux, que si elle n’eût jamais connu la solitude. Mais Ferdinand maugréait tant lui-même contre ses absences forcées, il revenait si vite, dès qu’il le pouvait, qu’elle accepta cet état de choses, avec ennui sans doute, mais sans protestation. Le goût du ménage lui vint en aide, et tout le temps que Ferdinand passait dehors, elle l’employait à ranger toutes choses autour d’elle.

Elle reconstruisit trois fois son armoire au linge sur de nouveaux plans, et à chaque fois, quand elle avait achevé, un peu haletante et rouge de s’être tant de fois baissée et relevée tour à tour, elle se reculait jusqu’au fond de la chambre pour contempler son œuvre, d’un regard tantôt sévère, tantôt complaisant.

Malgré cela, aucun autre ennui ni aucun autre plaisir que l’absence ou la présence de Ferdinand ne pouvaient