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UN DIVORCE

savoir. C’est de la vie de garçon, ma chère petite. Dis-moi seulement que tu m’aimes et que nous allons arriver bientôt dans notre jolie chambre là-bas.

Elle oublia promptement la peine et le trouble qu’elle avait eus, et, quand elle se trouva dans sa nouvelle maison, où l’attendaient son père, sa mère et sa sœur, elle devint radieuse comme une jeune reine débarquant dans son royaume. Tout était neuf, luisant, riche, agréable, commode, et tout l’enchanta. La chambre rose était délicieuse ; le salon, très-beau. Le dîner donnait appétit à voir, tant le linge et la vaisselle rivalisaient de blancheur, tant éclatait l’argenterie, tant les verres scintillaient.

Une servante obséquieuse s’empressait à la voix de la jeune madame. Tous les visages étaient rayonnants et tournés vers elle. Quel beau nid pour l’amour et pour le bonheur, et que de luxes ensemble ! On causa bruyamment et l’on rit aux éclats. Les deux pigeons voyageurs racontaient leurs aventures, leur ascension du Righi, et Claire disait que, sans Ferdinand, elle n’aurait pu parvenir au sommet, car il l’avait soutenue, portée même une ou deux fois, tant et si bien qu’on aurait pu croire, si la chose n’eût pas été impossible, qu’il avait gravi le Rhigi tout entier sous le cher fardeau.

Et combien, sur le bord des précipices, elle aurait eu peur sans lui ! Toutes les difficultés, mais des difficultés vraiment graves, il les avait surmontées ; les embarras, il s’en était joué ; il avait triomphé de tout ; il s’était montré partout supérieur. C’était Ferdinand partout et toujours ; et, si l’on eût voulu de toutes les paroles qu’elle disait extraire un mot qui en fût l’essence, on n’eût trouvé que ce nom-là.

Ferdinand accusait un peu plus les ombres du tableau ; il se plaignait des hôtels, chers et mal tenus, des vins