Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
UN DIVORCE

devant eux le Pèlerin, premier gradin des Alpes sur la côte vaudoise, parsemé jusqu’en haut de villages et de maisonnettes, s’élevait d’assises en assises, comme s’il voulait gravir le ciel.

— Ferdinand, je voudrais habiter là-haut, nous deux, cette maison blanche. Qu’on y serait bien !

— Mais nous serons bien aussi dans notre appartement de Lausanne ; tu verras.

— Nous n’y serons plus tout seuls.

— Ma petite, on ne peut pas vivre deux toute la vie. On a ses affaires, ses relations.

— Seras-tu donc bien longtemps à tes bureaux ?

— Le moins possible.

— Ce sera trop.

— Ah !… retournons aux montagnes alors.

— Si tu veux.

— Tu renoncerais à ta famille ?

— À tout pour toi.

Ferdinand la remercia d’un regard.

— Et toi ? reprit-elle.

Il hésita en souriant.

— Il vaut mieux ne renoncer à rien, mon amour, et tout arranger.

Elle ne répliqua pas, mais ses yeux se baissèrent. Dans son exaltation elle attendait une autre réponse.

— Les femmes sont toutes comme cela, reprit Ferdinand en souriant de nouveau. Elles ne comprennent au monde aucune affaire, aucun intérêt que l’amour.

Claire leva sur son mari un regard étonné qui disait :

— Eh ! mais sans doute ! N’en est-il pas ainsi de toi ?

— Malheureusement, poursuivit-il, cela ne peut pas être.

Le bateau venait de s’arrêter en face de Clarens.