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UN DIVORCE

taient de se regarder, et, voyant bien qu’ils s’aimaient, n’en demandaient pas davantage et n’avaient rien à savoir de plus. Je t’aime ! ce mot ne contient-il pas toutes les promesses, tous les dévouements ! Je t’aime ! c’est-à-dire je suis à toi. De quoi donc s’enquérir, et que demander encore à l’être qui se donne lui-même tout entier ? Nul doute ne pouvait approcher de leur âme ; ils avaient trouvé la source de la certitude et y buvaient à longs traits ; ils n’avaient que de bonnes pensées et se sentaient capables de tout bien.

Mais tandis que le daim altéré retrouve le chemin de la fontaine où il s’est rafraîchi, l’homme n’a pu encore percevoir et saisir les fils invisibles qui le conduisent à ces effluves, ou les font déborder sur lui. D’instinct, il les cherche en haut, souvent les implore ; mais il ne les reçoit que par intermittences, impuissant à les garder comme à les ressaisir.

Le 2 juillet, jour fixé pour le mariage de Claire, fut radieux. Sous les voiles blancs de la mariée, Claire était si belle, que la foule des curieux venus au temple, émue d’admiration, la bénit de ses souhaits. Pendant le sermon du ministre, la bonne madame Grandvaux fondit en larmes, et la tante Charlet se frotta les yeux de son mouchoir. L’impressionnabilité de cette digne personne était à la hauteur de la solennité du jour, car elle était arrivée à l’église seule, et dans une exaspération visible.

Anna, inquiète de ne voir ni Mathilde ni son cousin, l’avait interrogée, et la tante avait répondu que probablement ils ne viendraient pas, ce qui était bien naturel, puisqu’on ne pouvait attendre d’eux rien d’ordinaire. Mademoiselle Charlet n’en dit pas davantage, sans doute à cause de son respect pour la maison du Seigneur ; mais les regards qu’elle lançait vers la voûte du temple au-