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UN DIVORCE

ces jolies choses et se prolongeaient bien loin, au delà des murs, sur une perspective de l’avenir. Un vague sourire entr’ouvrait ses lèvres ; mais parfois il s’effaçait, et on pouvait deviner sur ce front, doux et uni comme celui d’un petit enfant, une inquiétude, mêlée à l’essaim joyeux des espérances. Oh ! c’était tout instinctif, et elle ne savait même pas pourquoi, tant elle avait confiance en son fiancé, tant en la vie ! Mais, par moments, elle avait le cœur serré, sans pouvoir s’en empêcher, car enfin elle allait se marier bientôt. C’était toute une existence inconnue, dont quinze jours à peine la séparaient.

L’inconnu ! mais n’y a-t-il pas en lui plus d’attrait que de terreur ? Et puis il l’aimait : elle en était sûre, oh ! mais sûre tout à fait. Il le lui avait dit avec tant de franchise et tant d’émotion ! Elle voyait bien que par moments il ne s’appartenait plus à lui-même, qu’il était vraiment à elle, qu’un désir exprimé par elle devenait aussitôt son désir à lui. Elle était fière de cela, mais encore plus touchée, et s’attachait sincèrement à lui de plus en plus.

Le premier jour, il lui avait, il est vrai, paru semblable à beaucoup d’autres ; mais peu à peu elle avait reconnu qu’il était bon, franc, délicat, juste, et, sans qu’elle eût elle-même beaucoup d’instruction, elle avait bien vu que c’était un homme très-capable, et que ses jugements étaient toujours les meilleurs. On eût dit au premier abord, — elle se le rappelait vaguement, — qu’il était de tournure un peu raide, et que ses traits, quoique beaux, étaient un peu durs ; mais à présent, au contraire, elle découvrait sur son visage mille indices de douceur et de sensibilité, avec des grâces toutes particulières qui le rendaient certainement le plus aimable des hommes.

Elle voulait le croire, du moins ; mais parfois elle sou-