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UN DIVORCE

ment un jeune homme tout en Dieu, ma chère, ajouta-t-elle en s’adressant particulièrement à mademoiselle Charlet, et je croirais volontiers que cette chère Louise n’aura pas dans le mariage une croix aussi lourde à porter que celle des autres ; car les hommes sont si versatiles et si changeants !

— N’effrayez donc pas Claire comme cela, maman, cria Fanny.

— Oh ! je ne m’effraye pas, dit Claire avec une expression charmante de confiance et de fierté.

— Vous êtes comme les autres, ma chère enfant ; à votre âge, on a toujours de si belles illusions !

Madame Pascoud avait terminé cette phrase par un troisième soupir ; mais c’était habitude chez elle, et ne tirait pas à conséquence. Quelques-uns prétendaient même que c’était un effet de sa constitution replète, et qu’il eût été injuste d’en attribuer la cause en quoi que ce fut au doux et vertueux M. Pascoud.

— C’est mademoiselle la couturière qui est là ! dit Jenny en ouvrant la porte et en s’arrêtant à contempler les belles choses qui couvraient la table. Mais avec l’épanouissement de son visage ébahi contrastait une large balafre de noir de charbon allant de la joue droite à la tempe gauche.

La couturière entra. C’était une ouvrière de grande ville, bien mise et gantée, portant chapeau de paille à rubans et mantelet noir, et possédant des yeux magnifiques et une éblouissante fraîcheur. Elle se présenta d’un air délibéré, en adressant un léger salut à tout le monde et, d’un ton sec et dégagé :

— Ah ! des toilettes de noce !

— Oui, mademoiselle, dit Anna.

Claire n’avait pas répondu. Les manières de cette fille