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UN DIVORCE

jective est la plus puissante. En elle réside l’idée de cause, de sa nature première et inévitable, d’où s’ensuit le pouvoir de la volonté, qui repousse le fatalisme.

— Je ne nie pas, miss, l’existence de la volonté, mais sa puissance. Elle a comme toute chose vivante sa sphère d’action ; mais plus que toute autre ses bornes. Le monde des forces extérieures la presse en tout sens, l’opprime, la foudroie, et, ce qu’il y a de plus amer, la fait dévier souvent à l’insu d’elle-même. Bien plus, est-elle cause ou résultat ? Hélas ! ne relevons-nous pas tout entiers de la nature qui nous est donnée ? Nous sommes tout garrottés de liens, et, parce que nous ne les voyons pas, nous nous prétendons libres, nous nous prétendons forts. Nous sommes les bouffons de Dieu.

— Non, monsieur, nous sommes des forces intelligentes, et c’est nous qui créons la destinée. Qu’importe la fatalité de notre origine, si en face de l’acte à produire nous nous arrêtons pour l’éclairer de tous côtés des lumières de la raison, décidant ensuite ? Nous pouvons répondre de nous-mêmes, si nous le voulons, et cela suffit pour nous rendre supérieurs à ces forces fatales que peu à peu nous transformons en instruments, et dont le principe…

On n’entendait plus déjà que leurs intonations, qui bientôt s’éteignirent dans le bruissement du soir, en même temps que leurs formes s’effaçaient dans les ténèbres. Les deux femmes se relevèrent.

— C’est-il drôle ! ils parlaient anglais, n’est-ce pas ? dit la Vionnaz.

— Non pas, dit la Julie, puisque j’y comprenais quelque chose.

— Quoi donc ?