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UN DIVORCE

son cousin d’un œil humide et brillant. Et, saisissant entre ses deux mains l’énorme tête de la génisse, elle se mit à lui parler comme elle eût fait à un petit enfant. La douce et puissante bête l’écoutait, le museau tendu, attachant sur elle un œil tendre et mélancolique.

— C’est la Bichette, je vous dis, la pauvre Bichette ! On se connaît et l’on s’aime, depuis deux ans qu’on se voit. On la voulait tuer, la Bichette, quand elle était toute petite, et moi j’ai empêché cela, et Bichette l’a bien compris. Mais comment ferons-nous, pauvrette, pour qu’on te laisse ton petit quand il viendra ? Oh ! les bêtes sont malheureuses !… Vois, il faut déjà que je te quitte, car mon cousin se moque de moi.

Mais, auparavant, elle déposa sur le muffle blanc et roux de la génisse un tendre baiser, ce qui scandalisa si fort Étienne qu’il en murmura.

— Oscar, à bas ! à bas, Oscar ! Veux-tu finir ? Tu salis ma robe ! jamais il ne perdra cette mauvaise habitude !…

Étienne allongea au chien un grand coup de pied, que l’animal esquiva heureusement par un bond en arrière.

Mais aussitôt la jeune fille s’écria indignée :

— Comment peux-tu frapper ce bon chien ?

— Pour t’en débarrasser, parbleu ! Jamais il ne perdra sa mauvaise habitude, si tu ne le corriges pas.

— Tu ne vois donc pas que c’est parce qu’il m’aime ? Et tu veux que je le frappe quand il vient me caresser ? Tiens, vois son regard. Il ne l’a pas fait exprès ; il est tout fâché maintenant. Pauvre bête ! C’est que vous ne comprenez rien à la toilette, vous autres chiens.

— Avec une cravache, ils comprennent tout, et l’on n’a pas à souffrir…

— Eh bien ! mon cousin, j’aime mieux en souffrir un