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UN DIVORCE

cette mauvaise plaisanterie, vous comprenez, il perd sa place.

— Tu ne feras pas cela, Étienne ?

— Mais que veux-tu ? j’ai perdu, et si Renaud l’exige… Après tout, je n’y tiens pas tant à ma place, dit le jeune Sargeaz : mille francs d’appointements pour huit heures par jour d’odieuses paperasses !

— Tu es fou, mon cousin ; et que ferais-tu après ?

— Ce que je ferais ? j’irais à Naples pour y être lazzarone ; c’est un état auquel j’ai toujours pensé.

Au seuil de la maison, ils trouvèrent Anna, qui attendait sa sœur pour entrer avec elle et lui sauver un peu d’embarras. Mais le père Grandvaux n’épargna point les quolibets ; le plaisir de marier sa fille éclatait sur sa face épanouie. La tante Charlet, vieille fille au regard faux et au maintien composé, chuchotait à l’oreille de sa sœur, madame Grandvaux, en regardant d’un air d’intérêt les deux fiancés, tandis que Mathilde considérait dédaigneusement M. Desfayes.

S’il y a peu de choses moins réfléchies que le mariage au sein des familles, il n’y en a guère de plus discutées aux entours.

Étienne continuait à prendre la situation pour sujet de ses plaisanteries.

— Tais-toi, méchant, lui dit Anna, qui était assise à table à côté de lui.

— Et qu’est-ce que cela te fait, petite fille ? Est-ce que tu y comprends quelque chose ?

— Je comprends que l’esprit qui s’exerce aux dépens des autres n’est pas un bon esprit.

— Tu t’imagines que ça les ennuie ? pas du tout. C’est très-agréable de se marier ; ne le crois-tu pas ?

— Je n’en sais rien, répondit-elle.