Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
UN DIVORCE

per, leur vint crier un grand garçon à figure ouverte et insouciante, qui fit irruption dans l’allée. J’ai eu beau leur dire que c’était stupide de vouloir vous occuper de semblables choses, et qu’il fallait vous laisser livrés à l’amour… de la nature, ces malheureux n’ont pas pu comprendre que vous n’eussiez aucun besoin de manger. Ferdinand, je vous félicite ; je vous connaissais jusqu’ici pour un joyeux convive que l’heure du repas trouvait toujours à son poste au café Jorand ; mais je vois que la douce odeur des bois a maintenant pour vous plus de charme que le fumet des viandes, et…

— Ma tante est arrivée ? et l’on va déjà se mettre à table ? demanda Claire avec un peu de confusion.

— La tante Charlet est arrivée depuis une heure, ma cousine, et depuis une heure, assise à la fenêtre de la salle à manger, tout en causant de cet amoureux, tu sais, envers lequel elle a été si cruelle autrefois, elle lance de ce côté des regards qui certainement ont dû pratiquer des percées à travers le feuillage. Je vous promets que votre entrée va faire sensation. Voyons, Claire, es-tu sûre de ne pas t’évanouir ?

— Étienne, dit Ferdinand, vous êtes insupportable. Prenez donc un autre sujet pour faire de l’esprit, ou plutôt donnez le bras à votre cousine, et, si vous n’êtes pas pour elle un bouclier des plus efficaces, je raconterai ce soir à souper votre pari avec Renaud.

— Ferdinand, ce serait une trahison.

— Quel pari ? demanda Claire.

— Il a parié qu’il écrirait et signerait dans le journal de Renaud une pétition au conseil d’État, demandant qu’on accorde aux employés des bureaux six cents francs de plus et six heures de travail de moins. S’il fait