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UN DIVORCE

crois qu’il y aura bientôt quelque chose à faire. Je ne te demande plus qu’une grâce à présent, c’est de me pardonner le mal que je t’ai toujours fait.

— Ah ! si tu avais craint de me faire du mal !… murmura-t-elle…

— Que veux-tu ? j’ai les plus beaux et les plus ardents désirs qui puissent remplir le cœur d’un homme. Je me sens parfois des forces immenses… Mais, hélas, elles m’abandonnent, et je retombe là où je me trouve, sans pouvoir me relever. Tiens ! j’ai horreur de l’être que je suis, et j’espère le quitter bientôt. Adieu !

Il s’éloignait. Avec un élan qui l’illumina tout entière, Anna se précipita sur ses pas, et l’arrêtant :

— Écoute : Va à Lausanne tout de suite faire publier notre mariage. Dépêche-toi !

— Non ! s’écria le jeune homme éperdu ; tu dois me mépriser ! tu te sacrifies !

— Je t’aime. Si tu peux être fort, je serai heureuse ; si tu t’abaisses, je souffrirai, voilà tout. Mais je ne puis pas te quitter. Je t’ai épousé dans mon cœur depuis longtemps. Va ! je te le dis. — Mon père, ajouta-t-elle en se tournant vers M. Sargeaz, voulez-vous l’accompagner ?

— Mon enfant, réfléchis bien. Le dévouement peut être une faute, un suicide. Étienne n’est pas digne de toi.

— Mon père, laissez-moi. J’ai besoin de me dévouer à lui. Je sais ce que je fais ; et j’en suis sûre, mon amour le fortifiera. D’ailleurs, que je doive être heureuse ou malheureuse, je l’ai aimé, je l’aimerai toujours.

Et, se penchant vers Étienne, qui s’était mis à genoux :

— Ne refuse pas, ne crains rien ; car nous n’avons pas d’autre destinée que d’être ensemble. Je vais te dire une chose : plus je te vois faible et malheureux, plus on t’accuse, plus on te rejette, plus je me sens dévouée à