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UN DIVORCE

que la joie pure et complète des premiers temps ne půt être rappelée, ils redevinrent amants. Depuis la mort de son père, Anna était libre.

Presque tous les jours, la famille se réunissait à Beausite, et le comte Tcherkoff semblait devenu un de ses membres. Malgré sa réserve habituelle, on ne le sentait pas étranger. Quand il s’animait parfois, il devenait étincelant de verve, d’intrépidité, de sublimes audaces. M. Sargeaz avait promis d’habiter Beausite aussitôt après le départ de sir John Schirling.

Celui-ci, venu, prétendait-il, pour montrer la Suisse à son neveu, ne bougeait guère de Lausanne, et leur seule distraction à l’un comme à l’autre paraissait être la société de Mathilde ; mais, depuis le retour de M. Sargeaz, ils la voyaient peu, car il y avait décidément une antipathie prononcée entre M. Sargeaz et sir John Schirling ; ils se bornaient à se saluer en se rencontrant, mais sans se parler jamais. Mathilde n’avait pu savoir les raisons de cette bizarrerie, qui la contrariait beaucoup dans son amitié pour sir John.

Un jour, — il y avait une semaine environ que M. Sargeaz était de retour, — l’Anglais, en apercevant Mathilde seule au jardin, se hâta d’aller la rejoindre. Il paraissait fort ému, et son visage portait, plus vive que jamais, cette expression de souffrance secrète, qui lui était habituelle.

— Écoutez-moi, Mathilde, lui dit-il, je ne puis rester ici plus longtemps, et je ne sais quand nous pourrons nous revoir, si vous n’acceptez pas la proposition que je viens vous faire. Vous me connaissez, vous avez confiance en moi, et vous savez mon attachement pour vous ; enfin vous connaissez aussi mon neveu. Il vous aime et m’a chargé de vous demander votre main. Sir George est un